Un autre miracle ordinaire…

24 février 2023

Un autre miracle ordinaire…

Nous étions mardi. Une journée de soleil ardent, adouci par une brise fraîche parfumée d’eucalyptus et de romarin sauvage. Les nuées d’hirondelles tournoient déjà dans le ciel et les moutons remontent de la vallée en broutant l’herbe fraîche.

Lors de ma promenade de santé, je rencontre M. Charls au garage de la coop où l’on range l’équipement agricole. Je lui demande ce qu’il fabrique. Il me dit qu’il a pour tâche de remplir le réservoir d’eau de la maison que l’on retrouve un peu plus haut sur la colline. Il doit pour se faire, établir une connexion électrique entre un poteau électrique et un poste un peu plus loin dans un champ afin d’y brancher une pompe à eau qui puisera l’eau dans un réservoir tout près jusque dans un autre réservoir environ un demi km plus loin. L’enfance de l’art. Je lui offre un coup de main. Il accepte. On part donc bras dessus bras dessous vers de nouvelles aventures.

On arrive fin d’avant-midi près du poteau électrique. Tout va bien. Il me dit : - Tu te rappelles, c’est ici que ma vache est morte il y a quelques années.

-Mais oui, je me rappelle. De quoi était elle morte déjà?

-Électrocutée.

- Ah oui?

- Oui, juste ici, où tu as les pieds…

Je recule d’un pas.

-Mais que s’est-il passé au juste?

- Elle a mis le sabot sur un fil dénudé qui sortait du sol et…Pzzzz. Plus de vache.

-Ah bon… et cela a-t-il été réparé?

-Je crois bien.

-Tu crois bien…

Alors, on y va, on suit le fil qui affleure les rochers jusqu’à un petit muret un peu plus loin. Là, une ancienne boîte électrique éventrée, la porte arrachée, gît sous un buisson épineux dans une flaque d’eau boueuse. Ça augure vraiment bien. Je lui demande s’il y a de l’électricité dans cette boîte…il ne pense pas.

On dépose la pompe que nous avions apportée avec nous près de la boîte en question. Je me dis, on va tous mourir ici, ça sent la catastrophe à plein nez. Sur ce, nos amis Robert et Yves se pointent sur le lieu du drame anticipé. À nous quatre, on regarde les différents aspects du projet. Au départ, la pompe n’a aucune pièce d’arrimage permettant de relier les tuyaux d’eau à celle-ci. Deuxio, les fils électriques ont été coupés trop courts et nous n’avons pas de tournevis pour accéder au boîtier. Tous les tuyaux ont un diamètre différent autour de nous et nous n’avons aucun joint d’étanchéité ni de serre joint pour empêcher les fuites.

Sur cette note optimiste, Ntate Japi arrive directement du village. C’est quand-même incroyable si l’on considère qu’il y a quelques années à peine il avait de la difficulté à marcher. Un athlète ce Japi. Alors on regarde le projet à cinq maintenant.

Tout d’abord, il nous dit que ce n’est pas le bon moteur. Il y en avait un autre, quelque part, il fallait le trouver. Parfait. M. Charls part à sa recherche et moi je descends au poteau électrique pour voir si le disjoncteur est bien à OFF dans la boîte datant d’avant -guerre. Pendant ce temps, Yves et Robert débroussaillent et tentent de démêler les différents tuyaux d’eau qui gisent un peu partout autour de nous. Ça fait déjà un bon deux heures que l’on se creuse la tête autour des différents aspects du projet.

Le moteur arrive. Un gros machin avec deux embouts et de grosses noix pour tenir le tout ensemble. Parfait. Sauf que les deux embouts n’étaient pas vraiment les embouts originaux de la pompe en question. Résultat, les grosses noix ne font pas dans les trous et de toute façon, il en manquait la moitié. Pas plus de joints d’étanchéité ni d’outils pour travailler sauf une pince du genre que l’on retrouverait dans l’appartement d’une étudiante sur le plateau Mont-Royal. C’est tout dire. Alors, je résolus d’aller fouiner près des bâtiments pas très loin au cas où je trouverais quelques noix qui feraient l’affaire. Après peut-être une heure de gossage, je tombe sur une ancienne machine agricole qui finit ses jours dans un champ. Et sur cette machine rouillée, quelques noix qui feraient sans doute l’affaire. J’en extrait deux, et retourne près de mes compagnons. Ils n’ont pas chômé non plus. Ils ont patenté toutes sortes de tuyauteries improbables ensemble et avec un peu de broche trouvée dans les bosquets environnants, et maintenant, si on plisse un peu les yeux, on pourrait presque croire que cette entreprise a une chance d’arriver à terme. Faut avoir la foi.

M. Charls a trouvé un bout de chambre à air pour faire les  joints et Robert a un couteau Suisse pour les découper. On branche l’ensemble sur le filage existant après avoir réparé la boîte de jonction sinistrée. On dirait une Ford T remontée avec du Duct Tape.

Je retourne au poteau électrique et suis un peu fébrile à l’idée de pousser le disjoncteur en position ON.

Au signal, j’actionne le petit levier et attends les dents serrées…jusqu’à ce que retentisse une exclamation de joie de mes compagnons dans le champ plus loin. Il semble que tout fonctionne. Une petite fuite à colmater avec une corde trouvée dans le camion de la coop et le tour est joué. Environ 5,000 litres d’eau seront pompés dans les heures qui suivent dans le réservoir plus haut dans la montagne. C’est ce que l’on appelle une belle œuvre de coopération internationale…style Naledi.

Encore une fois, je me rends compte à quel point je suis un homme de peu de foi. Moi qui croyais qu’il y aurait quelques morts suivies d’un lamentable échec par manque de tout ce dont nous aurions eu besoin pour mener cette besogne à terme… je suis confondu. Et Charls qui me regarde avec son grand sourire désarmant n’ayant jamais douté, lui, du succès de notre entreprise. Mes camarades et moi sommes restés ébahis par cette petite victoire du jour. C’est comme ça je crois que se lient les plus solides amitiés. Imaginez, lorsque l’on risque la mort ensemble!! Ahah!

Parlant d’amitié, ce matin  s’est liée d’amitié avec une grosse grenouille qui s’était glissée dans sa chaussure! Surprise!! 

On se reparle sous peu mes amis, pour d’autres aventures australes au pays de Naledi.

Je vous embrasse!            Denis xxx

(Qui est cette personne si chanceuse qui a reçu la visite de la grenouille de Marakong?  Et vous constaterez par la photo ci-jointe qu'il y a aussi la grenouille du centre d'art qui leur a rendu une petite visite!) Michèle

J'ajoute des photos toutes fraiches. 

Vous remarquerez Denis et Japi grâce à qui les jeunes sont scolarisés au secondaire et plus

et la sépulture d'Anton, chef admiré et aimé de la communauté


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1ere VRAIE lettre de Denis pour nous tous!