Les sons de la vie...

19 février 2020

C'était dimanche. Il faisait un soleil... don je ne dirai rien, sinon qu'il était radieux, intense et magnifique. Mille pardons pour cette trahison.
Je devais descendre au village voir un ami. Nous avions rendez-vous pour le diner.
Alors souvenez-vous, faisons le chemin ensemble. En sortant de la maison, on choisira peut-être le chemin d'en-bas, il est plus dégagé.
Alors, c'est une petite pente douce avec une piste de sable rouge bordée d'herbes douces qui se penchent délicatement pour se refermer sur votre passage. Au bas de la pente, on entre dans un petit boisé d'arbres locaux, d'acacias, et d'eucalyptus. C'est le domaine des mouches. Mais ce sont de drôles de mouches. Elles vous suivent. Elles sont derrière vous, tourbillonnent, mais ne se laissent voir sous aucun prétexte. Sans doute sont-elles timides. Si vous arrêtez, elles arêtes. Attendent. On reprend la marche et elles sont là dans le demi seconde.

Prochaine étape : Marakong. C'est juste un peu plus loin sur le sentier. Mais avant d'y arriver, il y a un poteau de pierre sur votre gauche. Un ancien jalon d'un temps révolu. On traverse cette ligne imaginaire et...
Fini les mouches. Elles sont toutes disparues jusqu'à la dernière. C'est comme ça à chaque fois, toujours la même chose, à un mètre près. Fascinant. On est loin des mouches indisciplinées Nord Américaines je vous l'assure.
Alors Marakong donc, j'y reviendrai dans une prochaine lettre, mais disons que c'est un petit ensemble de chambres huit ou neuf en tout, qui sont disposées en "U" avec sur la droite pour fermer ce "U", une petite salle à manger tout-a-fait charmante où il fait bon deviser avec un amis ou un amour, qui sait... Mais pour l'instant, passons à travers Marakong et rejoignons le raccourcis qui le contourne par le bas. Un autre petit boisé, autres mouches, même attitude. Je n'ai que des éloges à leur égard. A peine plus bas, c'est le centre d'art sur votre droite. Ça aussi on y reviendra. Il est adossé à une ancienne maison en ruine, très romantique, jouxtant l'atelier de menuiserie don je vous parlais souvent les années dernières. A côté de l'atelier, la remise d'outils, quelques instruments aratoires et ce que l'on appelle "l'Office" maintenant déserté. Au centre de cette place rustique il y  a un arbre immense. Un qui a résister au dernier feu dans la vallée. Si on écoute bien, il y a un bourdonnement intense qui se déroule en permanence dans son feuillage. Longtemps ce bourdonnement m'est demeuré un mystère. Je ne voyais pas de ruche ni rien de tel. Ce n'est que l'année dernière que j'ai remarque que parmi les feuillages, il pousse partout une sorte de petite fleur minuscule sur lesquelles les abeilles viennent butiner par millions. C'est impressionnant. Tout le jour, l'arbre vibre de ce bourdonnement constant.
Mais passons notre chemin voulez-vous et engageons-nous après le virage en "S" dans un espace dégagé rappelant les champs de mon enfance. En contre bas, la COOP agricole, le nouvel entrepôt, les serres et les champs labourés. On marche encore un peu, le sol devient rocheux dans un chemin plus affirmé. Les vaches apparaissent, les pâturages, les clôtures de broche et parfois des moutons qui se baladent nonchalamment en paissant pour la forme. Autre boisé plus touffu celui-là où sur la droite se trouvait jusqu'à récemment la vieille carcasse d'un bus volks reliquat d'un passé pas si lointain où les hippies sud-africains venaient au festival de musique de la Rustlser's Valley.

Enfin on y arrive. Une petite clôture marque le territoire du village. A droite encore, la maison d' Anton, la plus haute du village. Elle porte le numéro un. Et le voici, le village de Naledi, sous vos yeux. A gauche l'école primaire, à droite toutes les maisons en désordre. Pas de rues vraiment, que des sentiers qui rejoignent les différentes sections d'habitations. Au centre, il y a le sentier des écoliers que j'ai nomme ainsi car il arrive directement en face de l'école. Celui de droite, mène chez mon copain Charls. C'est là que nous allons car nous sommes invités à un "brail" sorte de BBQ africain.
Mais avant, je vous l'ai dit, il fait un dimanche magnifique. Le ciel azur, vif et clair, la lumière s'immisce  jusque dans les moindres détails du paysage.  Soudain, le temps s'arrête, il te fait signe d'attendre, de t'asseoir là sur ce petit monticule de terre au milieu du village. Rien ne presse. Rien n'a plus d'importance semble t'il que ce moment là, ce moment sans importance, perdu dans l'immensité de la vallée, chuchotant comme le moindre roseau sous la caresse du vent. Assis, juste là sous le soleil, seul. Je croise la jambe que j'entoure de mes mains jointes et enfin je ferme les yeux.
Qu'est ce qui se passe? C'est étrange de se poser la question. Mais quelque fois, souvent en fait, sait-on vraiment sur quoi se porte notre conscience. Comment faire entrer  la beauté du moment présent jusqu'au fond de son âme ? Quel est la porte d'entrée du mystère superbe qui s'offre à nous. Et puis soudain, on se rend compte. Les sons de la vie...
Ils sont partout. C'est si différent, si pur et si clair. La vie est partout.
Là, devant, les cochons piétinent la terre humide de l'auge en poussant de petits grognements satisfaits, j'entends leur respire, leur frôlements sur les piques de bois qui forment l'enclos. Derrière moi, des poules caquettent en grattant le sol. Elles sont suivies d'une portée de poussins qui poussent de tout petits cris aiguës comme s'ils étaient perdus. Les tourterelles près des toits des maisons font un étrange de son triste, mais pas le même que chez-nous, c'est plus court, mais aussi profond.  Au dessus de nos têtes, le cri perçant des aigles montent avec les courants d'air ascendants, les hirondelles aussi passent en coup de vent, on entend qu'un bruissement d'aile furtif passer à vive allure. Des enfants courent dans les sentiers en émettant des sons évocateurs plutôt que des mots. Ils sont éperdus d'imagination. Des cris d'hommes, de femmes qui se cherchent et se trouvent dans une gaité enfantine. Des sons de cuisine où le métal s'entre choque sur le crépitement de feux odorants. Un chien jappe. Les vaches au pâturage laissent entendre de longs cris profonds suivis d'autres plus lointains encore comme un écho effacé et rude à la fois. Près de la route, de la musique. Des gens qui parlent comme s'ils se lançaient des défis comme s'ils se mesuraient dans l'éloquence simple et chantante de leur langage. La vie, la vie...

Ce n'était que quelques minutes dans la mienne. Mais la conscience soudaine de ce moment là a fait naitre en moi une petite éternité qui se grave tout autour de ce que je croyais être la réalité de ma vie. Qu'est ce que je sais de ma réalité vraiment si je ne prends pas le temps de l'écouter. Dans quel monde est-ce que j'habite? De quoi est-il fait?  Est-ce que j'ai vraiment conscience de toute sa beauté, de toute ses couleurs éclipsées par la redondance du quotidien.

Je me dis : -Il faudra bien un jour que je devienne aussi vivant que le monde qui m'entoure, que je l'embrasse comme il m'enlace , que je l'aime comme je suis aimé. 

Denis

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